Dans ce Journal de l’alpha, trois fils principaux se tissent : celui des liens intrinsèques entre alphabétisation et culture, celui de l’action culturelle comme levier d’action de changement social – par, pour et avec les personnes concernées – et, enfin, celui des expériences et pratiques artistiques d’expression et de créativité en alphabétisation.
Les multiples dimensions et finalités de l’alphabétisation s’inscrivent institutionnellement dans un faisceau de plus de quatorze politiques publiques qui soutiennent le secteur en Fédération Wallonie-Bruxelles. La coordination politique de celles- ci est attribuée au poste de ministre de la Culture [2]. Le décret Éducation permanente est une autre composante de la politique culturelle soutenant l’action d’alphabétisation de nombreuses associations, qu’il appuie financièrement. Il réaffirme, dans son article 1er, des principes qui lient pratiques culturelles et processus individuels et collectifs d’exercice et/ou d’acquisition de droits économiques, politiques, environnementaux…
La distinction structurante entre démocratie culturelle et démocratisation de la culture traverse l’ensemble des secteurs et pratiques culturelles depuis les années 1970 [3]. Deux contributions en traitent spécifiquement dans ce numéro. Jacqueline Fastrès et Jean Blairon nous éclairent sur ce qui dessine les enjeux actuels de la démocratie culturelle. La régionale Wallonie picarde de Lire et Écrire nous partage sa réflexion collective qui a donné lieu à un important travail d’équipe de (ré-)appropriation des concepts de culture et de démocratie culturelle, à partir de ses terrains d’action. Par ailleurs, Sébastien Van Neck aborde la question de la différenciation entre démocratie culturelle et démocratisation de la culture en la dépassant, à partir d’une « nouvelle professionnalité », celle de la médiation culturelle telle que pratiquée par Muriel Bernard.
L’accès aux droits culturels est l’une des quatre thématiques d’action d’éducation permanente de Lire et Écrire. À partir des pratiques et de processus internes de réflexion et d’évaluation, nous identifions trois axes principaux de travail :
- amener chacun e à de nouvelles découvertes et participations culturelles ;
- amener chacun e à l’expression et à la création ;
- valoriser les productions des apprenant e s dans différents espaces culturels « reconnus ».
Plusieurs contributions de ce Journal de l’alpha relatent des pratiques créatives et artistiques de terrain qu’elles soient en provenance d’associations telles que Lire et Écrire, ou d’autres qui n’ont pas pour objet premier l’alphabétisation. Michel Neumayer nous transporte au sein de ses ateliers de création, vecteurs de transformation et « œuvres d’art à part entière ». Le rôle essentiel joué par certains centres culturels dans le développement d’une culture émancipatrice nous est présenté par Aurélie Leroy à travers l’exemple du Senghor à Etterbeek. Nous vous invitons aussi à découvrir sur notre site l’article de Baudouin Timmermans, Geneviève Piron et Françoise Pierard sur des programmes d’apprentissage en région verviétoise où la culture est centrale, et celui de Caroline Heller qui nous (re-)plonge dans les riches éditions du festival Arts & Alpha, nous incitant à musarder à la rencontre de réalisations d’apprenant e s. Ce numéro nous emmène enfin sur les chemins de la poésie, du jeu et du cinéma… autant de dimensions culturelles essentielles de l’alphabétisation populaire.
Sylvie Pinchart, directrice,
Lire et Écrire Communauté française.