Voilà donc le propos de ce Journal de l’alpha : rassembler des contributions sur l’alpha populaire aujourd’hui, à Lire et Écrire et en dehors, en Fédération Wallonie-Bruxelles et ailleurs, à partir du point-de-vue de différents acteurs.
Plusieurs contributions tirent plus particulièrement les fils entre passé et présent : Sylvie-Anne Goffinet avec les grandes étapes de l’histoire de Lire et Écrire vue sous le prisme de l’alphabétisation populaire, et Julia Petri avec le récit de son parcours militant et professionnel dans les pas de Paulo Freire, qui continue de l’alimenter aujourd’hui dans son implication en éducation permanente. Louise Culot tente quant à elle un décryptage d’expressions ou mots étrangers, anglais et néerlandais, qui à priori semblent proches de celui d’éducation populaire.
Dans ce numéro, il est aussi largement question des pratiques d’alphabétisation populaire telles que nous les développons à Lire et Écrire, mais aussi telles qu’elles évoluent dans d’autres associations – au Collectif Alpha, à Alpha Mons-Borinage, au Gaffi – et, plus largement, d’éducation populaire avec celles de P.H.A.R.E pour l’Égalité.
Ces contributions, qu’elles nous fassent le récit de pratiques existantes ou partagent des réflexions pédagogiques, témoignent, s’il le faut encore, de la richesse, de la force et de la puissance d’action des pratiques d’alpha populaire. Il faut un réel aveuglement pour ne pas voir à quel point elles nourrissent quotidiennement nos espaces démocratiques à toutes et tous, en produisant, avec les personnes les plus écartées des évolutions du monde contemporain, du savoir, de la compréhension critique, de l’action et du changement individuel et/ou collectif.
L’article à « trois plumes » d’Anne-Chantal Denis, Hugues Estéveny et Jacqueline Michaux met particulièrement en évidence les tensions issues de l’évolution des politiques publiques. Ce qui était constaté en 2016 n’a fait que se confirmer par la suite.
Il n’y a cependant pas que les politiques publiques qui mettent l’alpha pop en tension… Les acteurs le font très bien aussi, entre eux et pour eux… et peut-être parfois contre eux ! Les tensions qui traversent l’éducation populaire sont nombreuses et l’alphabétisation pop ou populaire n’est pas « en dehors ». Il y a les tensions sur lesquelles un consensus semble établi ; elles alimentent la clarification des finalités et modes d’action propres, par distinction avec d’autres modes d’action. Elles sont des repères qui appuient les pratiques. La tension émancipation/intégration en fait partie. Il y a aussi celles qui témoignent de positions idéologiques et/ou politiques fortes. Deux critiques me semblent plus particulièrement soulevées : un changement social pas suffisamment radical et l’incompatibilité « intrinsèque » entre action d’éducation populaire et politiques publiques. Ce ne sont pas les voies choisies par Lire et Écrire. Bien au-delà de notre mouvement, ces deux critiques traversent l’ensemble du secteur culturel et de l’éducation permanente en Fédération Wallonie-Bruxelles [2].
La profession de formateurBalises pour l’alphabétisation populaire.
rice en alphabétisation populaire est un autre fil de lecture de ce Journal de l’alpha. Ce qu’elle bouscule et engage, humainement et méthodologiquement. Plusieurs contributions en témoignent, au travers du récit et de l’analyse réflexive des évolutions de ce métier. Ce sont plus particulièrement les contributions de deux formatrices, Marilyn Demets et Rosemarie Nossaint, d’un coordinateur pédagogique, Jean Constant, et d’Aurélie Audemar qui accompagne tout le travail de Lire et Écrire autour de son cadre de référence pédagogique,Soutenir et accompagner la professionnalisation et l’alphabétisation dans un monde numérisé sont des enjeux travaillés par les acteurs associatifs de terrain. Ils sont aussi au centre des priorités du plan d’action 2021-2024 défini par la Conférence interministérielle sur l’alphabétisation qui s’est tenue en juin dernier [3].
Sylvie Pinchart, directrice,
Lire et Écrire Communauté française.