A. Compréhension et prévention de l’analphabétisme
Compréhension de l’analphabétisme
Cette rubrique comprend toutes les études permettant d’appréhender la réalité de l’analphabétisme : causes, conséquences, réalités des personnes concernées, trajectoires scolaires et sociales…
L’enjeu est d’améliorer la connaissance de cette problématique afin d’en améliorer les politiques de prévention d’une part, et d’améliorer la qualité de la prise en compte des analphabètes, d’autre part.
En 2007, nous avons réalisé des analyses portant sur l’alphabétisation familiale, les relations familles-école :
L’enquête Pisa de 2003 montre que les élèves dont les performances en lecture se révèlent faibles ou insuffisantes sont majoritairement issus de milieux défavorisés. Ainsi 70 % des élèves de 15 ans appartenant aux 25 % des familles les plus pauvres ne sont pas capables de « réussir des tâches de lecture de complexité modérée » ni de « repérer plusieurs informations dans un texte », alors que 80 % des élèves appartenant aux 25 % des familles les plus riches sont capables d’effectuer ces tâches. Comment comprendre ces difficultés en lecture des enfants de milieux défavorisés ?
S’intéresser à l’échec scolaire en général, aux difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’écriture en particulier, c’est notamment s’intéresser aux origines sociales de l’enfant puisque, comme le montre de nombreuses recherches, les enfants de milieux populaires sont davantage en échec que ceux de milieux favorisés. La théorie du handicap socioculturel est alors souvent avancée pour expliquer ces difficultés scolaires. Outre le fait qu’elle soit critiquable par son approche « classo-centriste », cette théorie ne permet pas de rendre compte finement du rapport au savoir des milieux populaires et de déboucher sur des perspectives d’action favorisant la réussite scolaire de tous les enfants…
Quelles sont les ruptures entre l’école et les familles de milieux populaires ? Les attentes des familles de milieu populaire par rapport à l’école sont généralement fortes. Pourtant il y a souvent des ruptures entre le vécu, les pratiques des familles et celles de l’école, que ce soit au niveau des conceptions de l’apprentissage, de l’autorité, de l’éducation… Et quand il n’y a pas rupture, il y a souvent sentiment d’incompréhension de part et d’autre. Ce qui entraîne un décalage entre les attentes et la réalité, facteur important d’échec scolaire pour les enfants.
On le constate trop souvent encore, dans bon nombre de programmes d’alphabétisation familiale, les pères sont souvent… les grands absents. En Grande-Bretagne, le gouvernement du Comté de Lancashire a voulu inverser la tendance en lançant en 1999 un projet original baptisé The Lancashire Dads and Lads Projects. Sa particularité ? Impliquer les pères dans l’éducation de leurs fils en misant sur leur attirance naturelle pour le sport et l’esprit de compétition
Tous les chercheurs et acteurs de terrain s’accordent en général pour dire que les parents doivent être des partenaires de l’école dans la scolarité de leurs enfants. Tous affirment que leur mobilisation joue un rôle positif dans la réussite scolaire. Que des ponts doivent être créés entre l’école et les familles… Les pistes sont nombreuses et plusieurs ont déjà été développées dans ce dossier sur les relations familles-école et l’alphabétisation familiale. D’autres sont ici plus rapidement évoquées. L’important n’est pas d’être exhaustifs mais de se situer dans la perspective de permettre aux parents des classes populaires de s’approprier l’école comme levier d’émancipation sociale.
B. Politiques et pratiques d’alphabétisation
Politiques d’alphabétisation
Cette rubrique comprend toutes les études permettant de connaître, de comprendre, d’analyser et d’évaluer les contextes et l’évolution des dispositifs et des politiques d’alphabétisation, ainsi que des études qui, s’appuyant sur celles-ci, portent tant sur la manière de développer la prise en compte des analphabètes dans la société que sur les politiques et structures les mieux à même d’accueillir les personnes analphabètes. L’enjeu en est de construire de véritables politiques en matière d’alphabétisation et d’en mesurer les effets.
Les recherches portent sur des aspects de politiques générales et sur des aspects liés à des publics particuliers : travailleurs, migrants, personnes d’origine belge…
Aspects généraux
En 2007, nous avons réalisé dans ce cadre une étude portant sur
Ainsi que des analyses portant sur
Reconnaissance des associations d’alpha dans le cadre du nouveau décret éducation permanente, Catherine Stercq, Lire et Écrire Communauté française, Journal de l’alpha no 159 – juillet aout 2007
Les associations reconnues dans le cadre du décret Communauté française « Éducation permanente » de 1976 devaient déposer, pour le 31 mars 2007 au plus tard, un nouveau dossier pour pouvoir continuer à bénéficier d’une reconnaissance dans le cadre du nouveau décret de 2003 relatif au soutien de l’action associative dans le champ de l’Éducation permanente
Qu’en est il aujourd’hui de la reconnaissance des associations d’alphabétisation dans le cadre de ce nouveau décret, et plus particulièrement dans celui de l’axe 1, celui qui soutient les « actions citoyennes » ?
Ce 8 septembre 2007, nous entrerons dans l’année de « l’évaluation à mi-parcours » de la Décennie de l’alphabétisation décrétée par les Nations-Unies. Quelle évaluation pouvons-nous faire de l’état de l’alphabétisation en Communauté française ? Où en est-on aujourd’hui ?La Journée internationale de l’alphabétisation est l’occasion de rappeler l’importance de l’alphabétisation pour les personnes, les communautés et les sociétés toutes entières
En avril 2000, lors du Forum mondial sur l’éducation de Dakar, 164 pays (sur les 173 que compte le globe) ont adopté un ensemble de six objectifs promouvant une conception globale du développement de l’Éducation Pour Tous (EPT). Des rapports de suivi réguliers évaluent les progrès accomplis vers la réalisation de ces objectifs. Ainsi, du rapport 2007, se dégage un sentiment d’urgence : à moins d’une dizaine d’années de l’échéance de 2015, tous les objectifs sont loin d’être atteints. Depuis 2003, chaque rapport s’attarde également sur une des composantes de l’EPT. Au centre du rapport 2006, l’alphabétisation est particulièrement épinglée comme parent pauvre de l’EPT. Pour rattraper le retard, les auteurs préconisent une stratégie en trois volets : un enseignement primaire universel de qualité, des programmes d’alphabétisation considérablement élargis à l’intention des jeunes et des adultes, et une plus grande attention aux environnements alphabètes.
Déposé par Lire et Écrire Bruxelles en avril 2002, le Plan Bruxellois pour l’Alphabétisation (PBA) a été adopté par le Gouvernement de Bruxelles-Capitale le 23 mai 2002 et par le Collège de la Commission communautaire française le 30 mai 2002. Le Plan est organisé autour d’une augmentation du nombre de places – prioritairement en alphabétisation mais aussi en français langue étrangère (FLE) – sur la Région bruxelloise. Lire et Écrire Bruxelles en assure à la fois la mise en œuvre et la coordination générale, ainsi qu’une fonction de centre de ressources administratives, pédagogiques et de recherche-développement.
C’est en janvier 2008 qu’entrera en vigueur, en Région wallonne, le décret du 1er avril 2004 relatif à l’agrément et au subventionnement des Entreprises de Formation par le Travail (EFT) et des Organismes d’Insertion Socioprofessionnelle (OISP). Ce décret et l’arrêté d’exécution du 21 décembre 2006 sont le résultat d’une concertation rapprochée avec les représentants du secteur des EFT et OISP. Il devrait stabiliser le secteur grâce à des financements liés à une période d’agrément renouvelable tous les trois ans. Quels sont les enjeux de cette nouvelle législation pour le secteur de l’insertion socioprofessionnelle en général et, en particulier, pour celui de l’alphabétisation ? Sont concernées par ce nouveau décret : les 8 régionales wallonnes de Lire et Écrire – qui sont toutes des OISP – ainsi que les associations du secteur de l’alphabétisation qui sont agréées en tant qu’OISP. Au total, il y a ainsi 23 OISP qui font de l’alphabétisation en Wallonie
Alphabétisation et travailleurs
Lire et Écrire Bruxelles a participé à plusieurs expériences d’alphabétisation des travailleurs durant leur temps de travail, notamment en collaboration avec l’ERAP (École Régionale d’Administration Publique) et avec certains CPAS de la Région bruxelloise. Les travailleurs qui ont suivi ces formations étaient soit sous contrat à durée indéterminée, soit sous contrat à durée déterminée, dont notamment des « article 60 » Pour comprendre les enjeux et les spécificités de ces projets, nous avons rencontré une série d’acteurs qui y étaient impliqués : des formateurs, des référents pédagogiques, des directeurs d’antennes locales de Lire et Écrire Bruxelles ainsi que des travailleurs de certains CPAS bruxellois
Une analyse des expériences d’alphabétisation des travailleurs auxquelles Lire et Écrire Bruxelles a participé nous a permis, dans un premier temps, d’en dégager les enjeux et les spécificités. Dans un deuxième temps, nous nous attacherons à réfléchir aux risques et obstacles qui peuvent survenir lorsque l’articulation entre travail et formation n’est pas prise en compte dès la conception du projet. Ceux que nous avons repérés sont liés à des questions organisationnelles, relationnelles, au climat de l’entreprise ou encore à la fonction même du travailleur. Ils peuvent cependant être anticipés et dépassés par la prise de mesures adaptées.
L’analphabétisme traverse l’ensemble des différents groupes qui composent la population : belges et immigrés ; jeunes et moins jeunes ; hommes et femmes ; manœuvres, ouvriers qualifiés et employés ; travailleurs et demandeurs d’emplois… Lire et Écrire défend le droit de toutes ces personnes analphabètes à bénéficier à part entière de tous les services et dispositifs (de formation continuée, d’insertion socioprofessionnelle, de participation citoyenne et culturelle…) destinés à ces différents groupes sociaux. Non pas comme « analphabètes » mais bien en tant que « travailleurs », « jeunes », « demandeurs d’emplois », etc.
Pratiques d’alphabétisation
Il s’agit de toutes les analyses et études portant sur les aspects plus méthodologiques des modèles d’actions et pratiques d’alphabétisation. Leur enjeu est d’améliorer ceux-ci notamment en soutenant l’écriture et l’évaluation des pratiques ainsi que la production d’outils pédagogiques. Et donc de développer la qualité de l’alphabétisation.
En 2007, nos analyses ont porté principalement sur
Les pédagogies émancipatrices
Des chercheurs se sont penchés sur les pratiques de lecture des personnes qui dans les enquêtes statistiques apparaissent comme des « faibles lecteurs ». Ils ont recueilli des témoignages et ont analysé les rapports à la lecture que sous-tendent ces moments de rencontre et d’intimité avec le livre qui leur ont été contés.Certains de ces témoignages ressemblent – étrangement ? Pas si sûr ! – à ceux entendus au Printemps de l’alpha…
L’alphabétisation en entreprise
Des travailleurs en situation d’illettrisme commencent à avoir accès à des formations en alphabétisation pendant leurs heures de travail et sans diminution de salaire. Ainsi, en partenariat avec les syndicats, Lire et Écrire Namur a mis sur pied une première expérience dans le secteur du nettoyage qui en est aujourd’hui à sa deuxième année de fonctionnement. La régionale est également en pourparlers pour d’autres projets.
Lire et Écrire Brabant wallon a également mis sur pied des dispositifs de ce type. Deux formations existent à ce jour dans la province : l’une dans un hôpital, pour les membres du personnel de nettoyage et de cuisine, et l’autre dans les locaux de Lire et Écrire à Tubize, pour des ouvriers communaux.
Dans le cadre d’un partenariat entre l’ERAP, Lire et Écrire Bruxelles, des administrations communales et des CPAS des 19 communes de la Région bruxelloise, une cinquantaine de fonctionnaires ouvriers ont saisi l’occasion qui leur était offerte d’un (ré)apprentissage de la lecture et de l’écriture, dans l’optique d’une promotion professionnelle et personnelle. Rencontre avec quatre travailleurs apprenants après un historique du projet…
Dans le cadre d’un projet Equal, Lire et Écrire Hainaut occidental a eu l’occasion de mettre en commun avec ses partenaires transnationaux ses pratiques pédagogiques et ses démarches de sensibilisation auprès des entreprises et des travailleurs infra-scolarisés. Au cours des échanges sont très vite apparues des différences importantes – mais aussi des ressemblances – dans la manière de concevoir l’action. Les expliciter nous permet, dans les lignes qui suivent, de définir la manière dont notre association envisage l’alphabétisation des travailleurs en entreprise…
La prise en compte des personnes illettrées
Mieux accueillir, informer et orienter les personnes en difficulté de lecture et d’écriture. Tel est l’objectif des modules de sensibilisation que Lire et Écrire organise actuellement auprès de centaines d’agents du FOREm et des CPAS de Wallonie. Mise sur pied en 2006, cette action répond à une revendication essentielle de Lire et Écrire : notre société doit s’organiser pour prendre en compte les difficultés quotidiennes vécues par les personnes illettrées. L’accès aux services au public en est un enjeu central.
Au cours de la période 2005-2007, les régionales wallonnes de Lire et Écrire ont mené à titre expérimental un projet européen « Equal » Dispositifs territoriaux pour le droit à l’alphabétisation et la prise en compte des personnes illettrées. Afin que cette action puisse être poursuivie et développée à plus long terme, le Comité de pilotage permanent sur l’alphabétisation des adultes étudie la mise en œuvre, sur l’ensemble de la Communauté française, d’un dispositif structurel et coordonné de plateformes territoriales pour prévenir, détecter l’analphabétisme et y remédier
, selon les termes utilisés par la Communauté française.
Alors que les financements soutenant leurs actions allaient arriver à échéance en juin 2007, les partenaires du « Dispositif territorial namurois pour le droit à l’alphabétisation et la prise en compte des personnes illettrées » ont organisé, le 27 mars dernier, un forum pour faire le bilan des expériences menées et discuter des perspectives à venir. Très motivés, ils ont réaffirmé leur volonté d’agir concrètement sur le terrain et de poursuivre ce partenariat en renforçant leur action dans le domaine de la prévention.
Alphabétisation et travailleurs
Pendant des années, lorsqu’une personne analphabète rencontrait un conseiller du service de placement Actiris pour lui demander de l’aide pour trouver un travail, celui-ci l’orientait automatiquement vers les cours d’alphabétisation. Même si, suite à cela, la personne trouvait de la place dans un cours – ce qui était loin d’être toujours le cas, les cours étant souvent complets – cela ne répondait en rien à son besoin, souvent urgent : trouver un emploi. Questionnée par cette problématique, Lire et Écrire Bruxelles a signé, en 1998, une convention de partenariat avec l’ORBEm pour mettre sur pied un Atelier de Recherche Active d’Emploi (RAE) spécifique accueillant les personnes illettrées. De nombreuses personnes ont ainsi bénéficié d’une formation et d’un soutien dans leur insertion professionnelle
Depuis juillet 2004, a été mis en place au niveau fédéral un Plan d’accompagnement des chômeurs (PAC) obligeant les demandeurs d’emploi indemnisés à apporter la preuve qu’ils sont disponibles sur le marché du travail et qu’ils recherchent activement de l’emploi. À défaut d’efforts jugés suffisants, un « plan d’action » leur est imposé sous peine de sanction.
Dans le cadre de ce Plan, le FOREm a lancé en Wallonie des appels à projets pour augmenter les opportunités d’accompagnement dans le domaine de l’orientation, de la recherche d’emploi et de la préqualification. Lire et Écrire Centre-Mons-Borinage y a répondu favorablement par la mise en place de modules « Passerelle vers l’emploi ».
Partant du constat que peu d’apprenants au sortir d’une formation d’alphabétisation poursuivent une formation qu’elle soit professionnelle ou autre, Lire et Écrire Wallonie, en collaboration avec Étienne Bourgeois, professeur à la faculté de Psychologie de l’UCL, a mené une recherche-action sur les « passages ». Cette recherche a d’une part interrogé les apprenants sur leur parcours après l’alphabétisation et d’autre part tenté de mieux comprendre en quoi les dispositifs de formation et d’insertion socioprofessionnelle, dont l’alphabétisation, étaient plus ou moins adaptés pour répondre aux besoins de ces personnes.