Nous vivons dans une société où l’écrit occupe une place centrale dans la plupart des dimensions de nos vies. Aujourd’hui, le fait d’éprouver des difficultés à lire ou à écrire ou, plus largement, à comprendre et à s’exprimer en français, est généralement facteur d’exclusion et source de nombreuses complications dans la vie quotidienne, privée, sociale ou professionnelle.
Un enjeu encore plus capital aujourd’hui. Car face à la pandémie, les institutions essentielles ont dû s’adapter, parmi elles les pouvoirs locaux. La solution trouvée : le numérique. Une solution qui a le mérite d’exister mais qui éloigne certains publics. En effet, si déjà avant cette crise, l’accès aux droits sociaux pour les publics défavorisés était compliqué, cela n’a fait que se renforcer avec ce que nous vivons aujourd’hui.
Pour Lire et Écrire, s’intéresser à ce qui motive une personne à entrer en formation en alphabétisation puis à y rester est une question essentielle. Ceci pour accompagner au mieux chacune de ces personnes dans son parcours de formation, mais aussi, plus largement, pour mieux comprendre les logiques à l’œuvre dans ces processus. Notamment, en identifiant ce qui est susceptible d’entraver ou, au contraire, de faciliter leur cheminement.
C’est ce qui a poussé un groupe de travail de Lire et Écrire en collaboration avec un chercheur universitaire, Étienne Bourgeois, à s’intéresser aux raisons qui poussent les apprenants à entrer en formation. Sa particularité ? cette recherche donne largement la parole aux apprenants eux-mêmes ainsi qu’aux formateurs et formatrices.
Au cœur de cette recherche : deux questions. Qu’est-ce qui amène des adultes en situation d’illettrisme / analphabétisme à entrer et à s’engager en formation ? Comment et pourquoi tenir compte de ces situations dans nos pratiques ?
Et l’enjeu est de taille. En Belgique, en France, ainsi que dans la plupart des pays européens, une personne adulte (de 16 ou 18 ans, selon les statistiques, à 65 ans) sur dix est en situation d’illettrisme. Pour ces personnes, le quotidien devient souvent une épreuve :
Train, école pour les enfants, bureau, en se présentant chez le médecin ; pour tout quand tu ne sais pas lire et écrire, on te regarde. Ce sont des discriminations de tous les jours, en tous genres.
Notre société fonctionne comme si tout le monde savait lire et écrire.
Apprenant à Lire et Écrire.
Celle-là on ne lui parle pas, elle sait pas lire et écrire, c’est une bonne à rien. Ça, on me l’a déjà claqué dans la tête.
Apprenant à Lire et Écrire.
À côté de ce travail important réalisé autour de la question de la motivation et de ce qui l’influence dans les formations en alpha, la caractéristique principale de l’ouvrage est d’ouvrir la porte, d’apporter un regard de différents acteurs qui abordent l’alpha à partir de leurs propres terrains, principalement issus du monde de l’insertion socioprofessionnelle et de la recherche universitaire.
Il s’agissait de permettre d’aborder l’alpha sous différents angles : ce qui la distingue de l’école, d’aborder concrètement ses modes d’action (approche participative, atelier d’écriture…), de se pencher sur la question de l’insertion dans l’emploi des personnes étrangères, sur la notion de projet, sur les enjeux de reconnaissance et les questions identitaires, sur l’approche par les capabilités et encore sur l’origine même de l’écriture.
Cet ouvrage se veut donc une publication qui permet de mieux comprendre les réalités vécues par les personnes en demande d’alphabétisation pour améliorer les pratiques, mais aussi pour apporter à l’extérieur d’autres points de vue, peut-être plus nuancés, sur ces publics et sur le caractère dynamique et évolutif de leurs besoins, leurs désirs et leurs demandes.
Dans l’objectif d’échanger sur les conclusions de cette recherche et de réfléchir aux changements à opérer dans nos pratiques pour une meilleure prise en compte des apprenants, un colloque sera organisé le 14 octobre 2021. Trois thématiques seront au cœur de cet événement : les enjeux que sous-tendent le rapprochement entre le monde académique et le monde associatif, le lien entre monde de l’alpha et le monde de l’école et enfin la question de la justice sociale et des attentes de reconnaissance.