En janvier 2017, Lire et Écrire Wallonie picarde et d’autres associations tournaisiennes interpellaient le Conseil communal de Tournai par le biais d’un communiqué de presse quant à la mise en place de l’arrestation administrative des personnes en cas de récidive de mendicité.
Le Conseil communal n’a alors pas tenu compte de notre interpellation, sur 36 conseillers présents : seuls 3 ont voté contre (Écolo) et 8 se sont abstenus (PS).
Dans un souci de défense des droits et de la dignité des personnes les plus fragiles de notre société, nous (8 associations locales, ainsi que la Ligue des droits de l’Homme) avons décidé d’interpeller le Conseil d’État en vue de faire suspendre/annuler la modification du règlement général de police de Tournai ajoutant l’arrestation administrative à titre de sanction pour infraction récidiviste à l’article relatif à la mendicité (article 36 du règlement).
Vous trouverez ci-dessous le communiqué de presse que nous avons rédigé à cette occasion.
Des associations dénoncent devant le Conseil d’État l’illégalité de la règlementation anti-mendicité de la Ville de Tournai
Communiqué de presse – 7 avril 2017
À l’heure où les politiques d’austérité poussent un nombre croissant de personnes vers la pauvreté et où les différentes politiques d’activation imputent aux pauvres la responsabilité de leur précarité, le lien social se disloque voire se rompt. Toutes les personnes n’ont plus le droit à un niveau de vie suffisant pour elles-mêmes et leurs familles
(art. 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ONU, 1966). Certaines se retrouvent à « tendre la main » à qui voudra bien la remplir de quelques pièces. Est-ce là un crime ? Nous pensons que non.
Mendier et vagabonder ne sont pas des crimes. C’est du moins ce qu’affirme la loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire. Pourtant, le 30 janvier dernier, le Conseil communal de Tournai prenait la décision de procéder à une arrestation administrative en cas de récidive de mendicité. En 2015, le Conseil d’État interpellé notamment par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) suspendait l’exécution du règlement namurois interdisant la mendicité, estimant qu’en vertu de la Constitution belge, le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine implique de pouvoir disposer de moyens d’existence, ce à quoi la mendicité peut concourir à défaut de meilleure solution concrète et effective […]
. Il devrait en être de même à Tournai en 2017.
Nous ne sommes pas pour autant naïfs. Nous sommes conscients qu’il existe des dérangements publics causés par des personnes précarisées ou non dans le centre-ville de Tournai. Mais nous estimons que l’arrestation administrative ne constitue pas une solution appropriée en vue de répondre aux difficultés des personnes précarisées contraintes à la mendicité.
En conclusion, c’est dans un souci de défense des droits fondamentaux et de la dignité des personnes les plus fragiles de notre société que nous attaquons devant le Conseil d’État la modification du règlement général de police de Tournai ajoutant l’arrestation administrative à titre de sanction pour infraction récidiviste à l’article 36 relatif à la mendicité. Dans le même temps, nous invitons le Conseil communal de Tournai à concrétiser son intention déclarée le 30 janvier 2017 de réunir les acteurs sociaux, institutionnels et associatifs et les représentants de la justice et de la police en vue de la rédaction d’un cahier de recommandations visant à améliorer et à compléter les mesures de prévention en matière de lutte contre la précarité et la mendicité
.
Une réelle volonté politique de lutter contre les causes de la précarité, associée à un travail de terrain impliquant l’ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la pauvreté, est, nous en sommes convaincus, la meilleure solution pour améliorer la qualité du « vivre ensemble » à Tournai.
Signataires
ATD Quart Monde Belgique,
le Centre d’information et d’éducation populaire du MOC de Wallonie picarde (CIEP),
le collectif Droit au logement Tournai (DAL),
les Équipes populaires du Hainaut occidental,
les Femmes prévoyantes socialistes Wallonie picarde (FPS),
Lire et Écrire Wallonie picarde,
Picardie laïque,
la maison de jeunes Port’ouverte,
la Ligue des droits de l’Homme.
Contacts presse
André Denayer, président d’ATD Quart Monde Belgique, 0479 44 55 50 adenayer@gmail.com
Frédéric Triest, secrétaire fédéral des Équipes populaires Hainaut occidental, 0484 771 781 triest@equipespopulaires.be
Rappel historique
1 juillet 2013 : modification dans le règlement général de police de l’article 36 stipulant. La mention suivante est ajoutée : la mendicité est interdite sur toute la longueur des bâtiments abritant des commerces et autres activités accessibles au public
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Aucun recours n’est introduit devant le Conseil d’État !
28 juillet 2016 : la presse locale fait état de plaintes de riverains obligés de déserter le centre-ville
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29 juillet 2016 : réaction de monsieur Paul-Olivier Delannois, bourgmestre ff La pauvreté qui s’expose ainsi dans la rue sans aucune dignité, ce n’est plus de la pauvreté mais de la délinquance
. Il promet de serrer la vis
.
27 janvier 2017 : Le collectif de lutte contre la pauvreté de Tournai, rejoint par d’autres associations, envoie un communiqué à la presse. Celui-ci interpelle les conseillers communaux et leur demande de ne pas adopter le projet de modification du règlement général de police prévoyant une arrestation administrative en cas de récidive de mendicité.
30 janvier 2017 : Le Conseil communal adopte largement la modification. Sur 36 conseillers présents, seuls 3 votent contre (Écolo) et 8 s’abstiennent (PS).
6 février 2017 : la décision du Conseil communal fait l’objet d’un affichage public. À partir de cette date, le délai de 60 jours démarre pour déposer un recours en Conseil d’État [1].
7 avril 2017 : Les associations précitées déposent un recours en annulation/suspension devant le Conseil d’État contre la modification du règlement général de police de Tournai ajoutant l’arrestation administrative à titre de sanction pour infraction récidiviste à l’article relatif à la mendicité (article 36 du règlement) [2]. De son côté la Ligue des droits de l’Homme dépose un recours qui vient conforter la position des acteurs associatifs locaux.