Des débats régionaux
Plongée en Absurdie, ce court métrage de 4 minutes met en scène le parcours de Rosa, une jeune femme en difficulté de lecture et d’écriture qui vient de perdre son travail et s’inscrit comme demandeuse d’emploi à l’Office régional de l’emploi. Obligée de « s’activer » sur un marché du travail quasi désertique, elle doit se battre ou se soumettre à des consignes absurdes entrainant des va-et-vient et des incohérences dans son parcours de réinsertion.
Une voix off (c’est l’acteur Éric de Staercke qui nous prête sa voix) nous détaille de manière presque chirurgicale les étapes de ce véritable parcours du combattant.
La projection du film [1], servira de fil rouge et de support à des matinées/soirées débats qui seront organisées dans chaque régionale de Lire et Écrire autour du 8 septembre. La campagne y sera présentée au large public en présence des représentants du monde journalistique (notamment les télévisions communautaires), des associations d’alphabétisation, des CPAS, des mandataires politiques, des acteurs de formation, des syndicats et des institutions régionales de l’emploi. Les discussions ne viseront pas à pointer des institutions, et encore moins les personnes qui y travaillent, mais d’échanger sur les dérives d’un système qui s’emballe en frappant les personnes les plus fragilisées et tenter ensemble d’y apporter des solutions.
Comme chaque année, un set de table reprenant le même design que celui du film sera largement diffusé en Fédération Wallonie-Bruxelles (50 000 exemplaires). Il invitera chacun à visionner ce court-métrage sur notre page de campagne, à la partager sur Facebook, et à proposer une idée, « son » idée, très pragmatique ou rêvée, pour changer le destin de Rosa.
Prendre en compte les spécificités des personnes en difficulté avec l’écrit
Depuis trois ans, Lire et Écrire a décidé de faire campagne non pas sur le terrain strict du droit à l’alphabétisation mais d’élargir son propos à des réalités socioéconomiques plus larges (le marché de l’emploi, les politiques d’activation de l’État social actif,…) car celles-ci ont des retombées très préoccupantes sur les conditions de vie des publics les plus fragilisés, dont les personnes analphabètes. L’objectif de ces dernières campagnes était d’expliquer en quoi les doubles identités – être activé et analphabète, être en recherche d’emploi et analphabète, être en formation et analphabète – peuvent être aliénantes, complexifient la donne et multiplient les injustices.
Pour Lire et Écrire, les politiques d’activation ne tiennent pas compte des difficultés spécifiques des publics qu’elle accueille, qui sont souvent sanctionnés à plusieurs niveaux : par les organismes publics qui prennent en charge les demandeurs d’emploi, mais aussi par le déficit d’emplois peu qualifiés, le manque d’offres de formation en alphabétisation et, lors de l’embauche, l’augmentation sans cesse croissante des exigences en matière de compétences sans rapport avec le travail demandé, particulièrement pour les métiers les moins qualifiés.
La nécessité d’un accompagnement individualisé doit prendre la forme d’une prise en compte des difficultés et des besoins particuliers des publics de l’alphabétisation : difficultés face aux aspects écrits de la recherche d’emploi, difficultés à accéder à la validation des compétences professionnelles sans passer par l’écrit, sentiments d’angoisse et d’humiliation devant la complexité croissante des procédures administratives, etc.
Or Lire et Écrire constate qu’au contraire les dispositifs actuels se caractérisent par des exigences toujours plus lourdes en matière de preuves écrites, par des contrôles basés davantage sur la menace de la suspension des allocations que sur une démarche de soutien, par la signature de contrats d’activation sans que les personnes aient bien compris ce à quoi elles s’engagent. Dans un contexte de chômage structurel et de déficit de l’offre de formation, ces mesures relèvent non de l’accompagnement mais d’une politique discriminatoire pour les personnes en difficulté avec les savoirs et compétences de base (lire, écrire, calculer, s’exprimer dans la langue du pays).
Une politique de mobilisation et non d’agitation stérile
Lire et Écrire insiste sur la nécessité de développer l’offre de formation, d’augmenter les moyens matériels alloués aux opérateurs de terrain, d’adapter les aides à la recherche d’emploi et d’accroitre la durée des formations en fonction des besoins des personnes pour leur permettre d’accéder à des emplois qualifiés. C’est uniquement en allant dans ce sens, et non dans celui d’une plus grande culpabilisation des chômeurs, qu’une action décidée de la part de nos responsables politiques serait efficace et souhaitable.