Accueil > Wallonie picarde > Actualités > 8 mars – Migration, alphabétisation et droits fondamentaux : et les femmes (…)

Actu du

8 mars – Migration, alphabétisation et droits fondamentaux : et les femmes dans tout ça ?

L’Union européenne s’engage en Wallonie picarde aux côtés de Lire et Écrire

Dans de nombreux pays extra-européens, l’accès à l’éducation demeure un immense défi pour les filles et les femmes. Selon l’UNESCO près de 63 % des adultes non alphabétisés dans le monde sont de sexe féminin (UNESCO, 2022). À Lire et Écrire Wallonie picarde, l’Union Européenne via le Fonds Asile, Migration et Intégration (AMIF) a permis de développer une offre de formation pour les personnes migrantes extra-européennes. C’est notamment grâce à ce dispositif que nous pouvons accueillir chaque année en formation des personnes issues de plus de 35 pays. Parmi ces personnes, une majorité de femmes. Confrontées à des obstacles multiples  –  discriminations liées au genre, pauvreté, conflits armés, statut migratoire précaire, illettrisme ou analphabétisme – beaucoup de ces femmes arrivent en Belgique avec le désir de (re)nouer avec l’apprentissage et de construire un avenir plus serein.

Depuis janvier 2023, l’AMIF nous a permis de réaliser plus de 20.000 heures de formation, permettant ainsi à 98 personnes (56 femmes et 42 hommes) de s’inscrire dans un dispositif d’alphabétisation en Wallonie picarde. Relevons que ces formations ne sont pas exclusivement réservées aux femmes  : la mixité étant encouragée afin de promouvoir le respect mutuel, la solidarité et l’ouverture interculturelle. Ces valeurs semblent par ailleurs importantes également pour l’Union européenne, qui nous demande de veiller, dans le cadre de la mise en œuvre de notre projet cofinancé par l’AMIF, au respect de l’égalité entre les hommes et les femmes, à la promotion de l’intégration de la dimension de genre et à la prévention de toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Concrètement, le programme AMIF nous permet de mettre en place quatre groupes de formations (deux à Mouscron et deux à Tournai) avec des horaires différents. Cette offre multiple permet d’organiser la formation à différents moments afin de les rendre plus accessibles, notamment pour les femmes très souvent retenues par des questions de garde d’enfants par exemple. La mise en place d’un accompagnement psychosocial en interne et en partenariat avec la PIT (Plateforme pour l’Interculturalité à Tournai) permet également d’aborder de nombreux points : recherche de crèche, aide juridique, santé…

Mais au-delà de l’animation des groupes de formations et de l’accompagnement psychosocial des personnes, soulignons aussi l’importance selon nous d’envisager notre travail dans une logique de réseau. En effet, pour répondre à la diversité des situations, une large collaboration partenariale est essentielle. Des partenaires comme Soralia, le Ciep du MOC, les CPAS, le Forem, le CIMB, le Ceraic, la Plateforme pour l’Interculturalité à Tournai ou encore les Centres de planning familial ou les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile sont des relais fondamentaux pour nous aider à identifier et lever les freins  : difficultés de logement, suivi médical, garde d’enfants, accès aux droits, lutte contre les violences intrafamiliales. Et en complément de ce travail en réseau, il s’agit également de pouvoir outiller notre équipe ; et si cela passe évidemment par des moments d’intervision et de la co-construction entre pairs, il est également important de proposer des formations. C’est ainsi que nos équipes sociale et pédagogique ont suivi entre autre une formation en quatre modules Femmes étrangères victimes de violences : quel accompagnement ? afin de :

  • Détecter et aborder la question des violences intrafamiliales en contexte migratoire.
  • Connaître les bases juridiques pour accompagner une femme en danger tout en préservant son droit de séjour.
  • Accueillir la parole et instaurer un climat de confiance.
  • Orienter vers les services spécialisés à Tournai (hébergement d’urgence, soutien psychologique, assistance légale).

Au-delà des compétences linguistiques (français oral, lecture, écriture, savoirs mathématiques, etc), il s’agit de considérer la formation comme un moyen d’émancipation et de participation à la vie sociale, culturelle, économique et politique. En tant que Mouvement d’Éducation Permanente, nous veillons à proposer des espaces de compréhension critique du monde, en abordant la place des femmes dans la société, leurs droits fondamentaux et la question du vivre-ensemble. Les formatrices et formateurs encouragent également la participation active à travers des projets collectifs  : expositions, fêtes de voisins, ateliers créatifs ou échanges interculturels. L’objectif est de renforcer la solidarité et l’intégration en dépassant le « vivre ensemble » pour aller vers le « faire ensemble » que ce soit dans la réalisation d’un grand goûter interculturel ou la constitution d’une équipe de foot pour participer à un tournoi.

Cette approche globale s’appuie sur l’idée que la langue, à elle seule, n’est qu’une composante d’une démarche d’intégration. Selon l’analyse de la CFS ASBL, La langue : un indicateur d’intégration ?, elle n’est qu’un facteur parmi d’autres, nécessitant le soutien d’actions complémentaires  : accès à l’emploi, reconnaissance des droits, mise en réseau et accompagnement adapté. C’est ce modèle qui oriente les formations en Wallonie picarde, afin que chaque participante et participant puisse développer ses compétences, sa confiance en soi et son autonomie, tout en trouvant sa place dans la société belge.
Aujourd’hui, plusieurs apprenantes témoignent de leur progression sur le plan linguistique, social et personnel : une autonomie grandissante dans les démarches administratives, l’envie de se former davantage ou encore l’intégration de projets citoyens et culturels. Cet élan conforte la conviction que l’action conjointe de l’Union européenne, de notre ASBL et des partenaires locaux prend tout son sens pour favoriser l’égalité des chances et l’intégration.
En matière de résultats concrets observés, l’analyse des entretiens d’évaluation menés deux fois par an nous permet de relever des résultats en termes de :

  • Implication sociale : Les apprenantes participent davantage à la vie de leur quartier ;
  • Relations sociales : Elles améliorent leurs interactions avec leur entourage, comme par exemple un apprenant qui souhaitait présenter ses condoléances de manière appropriée ;
  • Accompagnement scolaire : Les mamans communiquent mieux avec les enseignants et suivent plus activement la scolarité de leurs enfants ;
  • Insertion professionnelle : La confiance acquise leur permet de mieux s’intégrer dans leur environnement de travail (échanger avec ses collègues, sentiment d’appartenance au milieu professionnel) ;
  • Autonomie administrative : Elles gèrent leurs démarches sans assistance, comme prendre des rendez-vous ou signaler un changement familial ;
  • Aisance en français : La peur de s’exprimer diminue, facilitant leurs interactions avec des francophones ;
  • Déplacements : La formation leur permet d’utiliser les transports en commun et d’accéder aux services essentiels ;
  • Bien-être : Une meilleure connaissance de leur environnement et un sentiment de mieux-être sont constatés.

Ces résultats concrets illustrent l’impact des formations soutenues par l’Union européenne à travers le Fonds AMIF, qui visent à favoriser une intégration et une inclusion sociale effectives des ressortissants de pays tiers. À l’intersection entre les enjeux des politiques européennes et les valeurs de l’éducation populaire, ce projet s’inscrit dans une vision de l’alphabétisation qui dépasse l’apprentissage de la langue pour devenir un outil d’inclusion, d’émancipation et d’action.

En renforçant l’autonomie, la participation sociale et l’accès aux droits, ces actions d’alphabétisation permettent aux femmes migrantes de s’impliquer davantage dans leur quartier, de mieux suivre la scolarité de leurs enfants, d’accéder plus facilement à l’emploi et de gérer leur quotidien avec confiance. En facilitant leur intégration au sein de la société, ces formations ne bénéficient pas seulement aux personnes concernées : elles contribuent également au dynamisme de notre région, la Wallonie picarde, participent au développement de la Belgique et, plus largement, répondent aux ambitions européennes d’une intégration fondée sur l’égalité des chances et la participation de toutes et tous.

Une majorité de femmes analphabètes

Selon Myria (Centre fédéral Migration), en Belgique 46% des immigrations étrangères concernent des femmes. Or, parmi les personnes migrantes que nous accueillons dans les groupes soutenus par l’AMIF, nous relevons la présence de plus de femmes que d’hommes (57%) tandis que parmi les publics scolarisés en Belgique qui fréquentent notre ASBL, elles ne représentent que 38%. Si ce phénomène mériterait probablement de s’y attarder plus longuement, il nous semblait intéressant de faire un petit focus sur certains pays d’origine de nos apprenantes et leurs réalités discriminantes à l’égard des filles et des femmes en matière d’accès à l’éducation. Citons et illustrons ces injustices à travers trois régions du monde présentant chacune différentes réalités : l’Afghanistan (Asie du Sud), l’Érythrée (Afrique de l’Est), et la Syrie (Moyen orient).
En Afghanistan, selon le journal Libération (Clara Grégoire, 15 août 2024), Trois ans après la prise de pouvoir des talibans, le pays reste le seul au monde à interdire l’accès des femmes à l’enseignement secondaire et supérieur. Selon l’Unesco, plus d’un million d’Afghanes ont été privées d’école depuis 2021.
Concernant l’Érythrée, un rapport de l’UNICEF de 2022 sur le mariage des enfants en Afrique orientale et australe estime que 4 jeunes femmes sur 10 y ont été mariées pendant leur enfance, les plus vulnérables étant les filles qui ont reçu le moins d’éducation. 59 % des femmes âgées de 20 à 24 ans qui se sont mariées ou ont été mises en couple pour la première fois avant l’âge de 18 ans n’avaient pas d’éducation, contre 25 % qui avaient au moins un niveau d’éducation secondaire. (Child marriage in Eastern and Southern Africa, A statistical overview and reflections on ending the practice - 16 juin 2022)
Enfin, concernant la Syrie, l’Unicef encore attirait l’attention sur le sort d’enfants syriens réfugiés par exemple au Liban obligés de travailler pour garantir un revenu stable à leur famille tandis que d’autres sont forcés de se marier prématurément pour leur propre protection et pour des raisons financières (…) La principale raison du mariage des enfants dans le contexte des réfugiés syriens est le fait pour les parents d’avoir une bouche en moins à nourrir tout en espérant leurs filles en sécurité et à l’abri du besoin. Marier sa fille peut aussi être vu comme une mesure de protection au regard de la vulnérabilité des jeunes filles et du risque de harcèlement sexuel auquel elles sont exposées dans les camps informels au Liban. (Hedinn Halldorsson, 23/01/2017 https://www.unicef.org/)

Le fonds AMIF

Drapeau européen avec, en-dessous, le texte : « Confinancé par l'Union européenne »L’AMIF (Fonds Asile, Migration et Intégration) est un programme de financement de l’Union européenne qui vise à soutenir les États membres dans la gestion des défis liés à l’asile, à la migration et à l’intégration des migrants.
L’objectif principal de l’AMIF est de renforcer et développer un système commun d’asile en Europe, et promouvoir l’intégration réussie des migrants légalement admis. Le fonds fournit des financements aux États membres pour des actions telles que l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés, la gestion des flux migratoires, la protection des droits des migrants, la lutte contre la traite des êtres humains, la coopération entre les autorités compétentes, la sensibilisation du public et la formation des professionnels. (fse.be)
En Wallonie picarde, l’AMIF finance à hauteur de 756.119,70 € le dispositif d’alpha-FLE, pour un coût total de 1.008.159,61 €, sur la période du 1ᵉʳ janvier 2023 au 31 décembre 2025.
Précisons qu’au-delà de la volonté de l’UE d’intégrer la dimension de genre dans toutes ses politiques, un plan d’action sur la parité et l’autonomisation des femmes dans l’action extérieure 2021-2025 (GAP III) a été adopté en novembre 2020. Le GAP III encouragera une approche transformatrice et intersectionnelle et intégrera le genre dans toutes les politiques et actions. Il vise à s’attaquer aux causes structurelles de l’inégalité entre les sexes et de la discrimination fondée sur le sexe, notamment en engageant activement les hommes et les garçons à remettre en question les normes et les stéréotypes de genre. Enfin, pour ne laisser personne de côté, le plan d’actions cherche à s’attaquer à toutes les dimensions croisées de la discrimination, en accordant une attention particulière, par exemple aux femmes handicapées, aux femmes migrantes et à la discrimination fondée sur l’âge ou l’orientation sexuelle.

Lire et Écrire Wallonie picarde

Notre ASBL fait partie du réseau « Lire et Écrire » qui regroupe 11 ASBL en Belgique francophone.
Issue des mouvements ouvriers et reconnue comme Centre d’Insertion Socio-Professionnelle ainsi que Mouvement d’Éducation Permanente, notre association milite pour le droit à l’alphabétisation depuis 1985. Forts de 40 ans d’expérience, nous avons développé une expertise en matière de pédagogies émancipatrices et participatives pour adultes. Chaque année, nous accueillons plus de 300 personnes grâce à l’organisation de 55.000 heures de formation encadrées par des formateurs salariés ou volontaires. Parmi ces personnes : des demandeurs d’emploi, des travailleurs, des personnes en décrochage, des personnes belges, étrangères, …
Nos formations sont conçues non seulement pour former aux compétences de base (lecture, écriture, mathématiques, français oral), mais aussi pour favoriser l’autonomie, la compréhension critique du monde, et une participation active et solidaire à la société. Nous visons à transformer les rapports sociaux, économiques, politiques et culturels en agissant en faveur d’une émancipation individuelle et collective des personnes en vue de construire une société plus juste, plus démocratique et plus solidaire.
Outre l’alphabétisation, notre ASBL propose des sensibilisations, un accompagnement méthodologique, la formation de professionnels à la prise en compte des personnes illettrées et la diffusion d’outils. Membre du Conseil de développement Wapi2040, nous travaillons également avec plus d’une centaine de partenaires en Wallonie picarde afin de défendre et valoriser les droits des personnes en situation d’illettrisme ou d’analphabétisme.

Lire et Écrire Wallonie picarde est soutenue par :